Arasement des barrages de la Sélune dans la Manche : Quelles conséquences pour le milieu et les eaux souterraines ?

Maurice FRESLON – Retraité DDTM de la Manche

En 2009, l’Etat décide de restaurer la continuité écologique de la Sélune en procédant à l’effacement de deux anciens barrages hydroélectriques. Ce petit fleuve côtier du sud Manche traverse les formations granitiques et schisto-gréseuses du Briovirien avant de se jeter dans la baie du Mont Saint Michel. Ce projet est une première en Europe !

 La maîtrise d’ouvrage de cette opération d'envergure, déléguée par l’État au Préfet de la Manche, est assurée par la DDTM 50 pour le plus grand des ouvrages, celui de Vezins, EDF restant maître d’ouvrage de l’arasement du barrage de la Roche-Qui-Boit, situé à l’aval. Après les études préalables et l'élaboration du projet, celui-ci est momentanément suspendu fin 2014 par la Ministre de l’Écologie. Seule l’opération de vidange de la retenue de Vezins demeure alors certaine. La première phase de travaux (2017-2019) a donc consisté en la réalisation de la vidange du plan d'eau, accompagnée de la gestion des sédiments accumulés dans la retenue, les techniques utilisées (curage et dragage) permettant de concilier contraintes physiques, enjeux environnementaux, et qualité de l'eau. La prise d'eau potable située en aval de la Sélune a été basculée sur la prise d'eau de secours implantée sur un affluent, le Beuvron, tout en poursuivant le pompage dans les puits et forages creusés dans la nappe alluviale et le socle sous-jacent. Préalablement aux travaux, l’usine de production et de traitement d’eau avait été mise à niveau dans le cadre de mesures « compensatoires ».

 

Les travaux d’arasement proprement dits du barrage de Vezins ont démarré en avril 2019 après le feu vert ministériel et s'achèveront au printemps 2020.  Ceux du barrage de la Roche-qui-Boit débuteront dans la foulée par la phase « gestion sédimentaire-vidange », et se termineront par l'arasement de l'ouvrage en 2021.

Les différentes espèces halieutiques pourront alors se déplacer naturellement dans le lit mineur de la rivière qui retrouvera progressivement son profil d'équilibre. L'évolution des caractéristiques physiques, hydrologiques, hydrogéologiques, faunistiques et floristiques du milieu sont d'ores et déjà suivies en détail par les nombreux scientifiques et chercheurs (INRA et laboratoires associés), très intéressés par ces opérations de renaturation.

Les impacts potentiels de ces travaux, notamment sur l’hydrologie et les transferts de sédiments, et par là même, sur la genèse des processus de décolmatage et de colmatage respectivement à l’amont et à l’aval de la Sélune jusque dans l’estuaire, seront analysés sur le long terme. La continuité verticale et latérale des flux hydriques et chimiques entre la rivière, la zone hyporhéique, les berges et la nappe souterraine est mesurée précisément, grâce à une métrologie novatrice. La dynamique et la distribution spatiale du colmatage et l’éventuel impact de ce dernier sur la nappe alluviale exploitée à l’aval (citée précédemment), font l’objet d’observations rigoureuses. L’incidence éventuelle de l’abaissement du niveau d’eau superficielle sur l’hydrogéologie du bassin versant (extension, piézométrie, débits,...) est également étudiée de manière approfondie.

Rendez-vous dans quelques années pour un bilan global de ce projet et des suivis qui l’accompagnent.

 

Merci à Gilles Berrée, responsable de la mission barrages à la DDTM 50 pour sa collaboration.

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