Thierry PAY & Camille BARTHE – Conseil départemental du Calvados
En matière d’eau, le Calvados connaît depuis de nombreuses années des épisodes de tension quantitative, liés à des périodes prolongées de déficit en eau dont les effets sont renforcés par des réserves de faible capacité, en raison de conditions géographiques et hydrogéologiques défavorables. Dans ce contexte l’assemblée départementale s’est prononcée à l’unanimité pour lancer en 2021 un projet de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE).
Des ressources en eau en tension
Situé sur la bordure occidentale du Bassin Parisien, les aquifères sédimentaires du Calvados (Bajocien, Bathonien, Oxfordien et Cénomanien pour les principaux) y sont de faible extension géographique et d’épaisseur limitée. Le tiers sud-ouest de Département est lui constitué de terrains de socle armoricain, où des réserves souterraines ont été mises en évidence au cours des années 90 à la faveur de pièges structuraux. Ces réserves sont toutefois très dépendantes des recharges hivernales. A cela il convient d’ajouter des bassins versants côtiers où les cycles de l’eau sont rapidement interceptés par la mer.
L’année 2020 a présenté un exemple particulièrement frappant de la problématique à laquelle le département est désormais confronté. L’hiver 2019-2020 a été marqué par une pluviométrie particulièrement abondante, classée dans les 3 plus abondantes de ces 30 dernières années. Mais il a été suivi d’un printemps 2020 très sec et d’un été caniculaire qui ont mis en difficulté la satisfaction des usages en eau. On observe ici une tendance de fond qui évolue rapidement : il y a une dizaine d’années, cette pluviométrie hivernale aurait été de nature à protéger de toute pénurie d’eau pendant plusieurs mois.
A cela, il convient d’ajouter les effets d’une dégradation localisée des ressources en eau souterraines, les rendant impropres à la consommation humaine notamment dans certains secteurs de la plaine de Caen-Falaise, conduisant à une pression quantitative accrue sur les ressources de meilleure qualité. Il est également nécessaire de prendre en compte les possibles et probables effets du changement climatique sur le territoire qui ont été étudié par le GIEC Normand qui figurent sur la carte ci-après.
D’un point de vue administratif, cette situation générale tendue et récurrente s’est traduite :
- par la création, en 2003 (révisée en 2017), d’une zone de répartition des eaux (ZRE) sur la vallée de la Dives, la plaine de Caen-Falaise et le nord du Bessin qui fixe un cadre réglementaire renforcé pour les prélèvements d’eau ;
- par la prise d’arrêtés préfectoraux fréquents (2011, 2012, 2017, 2019 et 2020) et des restrictions des usages de l’eau notamment pour la partie armoricaine du Département.
Dans ce contexte, et en réponse à la sollicitation du Préfet du Calvados, l’assemblée départementale s’est prononcée à l’unanimité pour lancer en 2021 un projet de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE).
Un PTGE co-construit par les usagers du territoire
Selon l’instruction du Gouvernement en date du 7 mai 2019, un projet de territoire pour la gestion de l’eau est une démarche reposant sur une approche globale et co-construite de la ressource en eau sur un périmètre cohérent d’un point de vue hydrologique ou hydrogéologique.
Il aboutit à un engagement de l’ensemble des usagers d’un territoire (eau potable, agriculture, industries, navigation, énergie, pêches, usages récréatifs, etc…) permettant d’atteindre dans la durée, un équilibre entre besoins et ressources disponibles en respectant la bonne fonctionnalité des écosystèmes aquatiques, en anticipant le changement climatique et en s’y adaptant.
Le PTGE doit intégrer l’enjeu de préservation de la qualité des eaux, notamment la réduction des pollutions diffuses et ponctuelles, ainsi qu’un volet de recherche de sobriété des différents usages (réduction des consommations).
Le Département du Calvados a mené une politique active de recherche d’eau sur tout le territoire (photo) jusqu’au début des années 2000 et a permis d’identifier et d’exploiter de nouvelles ressources en eau, en réponse à des problématiques aussi bien quantitatives que qualitatives.
Près de 90 000 m3/jour potentiels ont été mis en évidence sur le territoire départemental à comparer à une consommation totale moyenne de 150 000 m3/jour.
Ce travail de connaissance effectué sur les ressources ne permet plus d’envisager de nouvelles campagnes de recherche d’eau comme une solution aux problèmes rencontrés. Il va falloir entrer dans une véritable politique de sobriété et de partage de la ressource en eau, qui sera à construire autour du PTGE.
Périmètre d’action
La démarche de PTGE suppose l’identification d’un territoire pertinent d’un point de vue hydrologique ou hydrogéologique.
La Zone de Répartition des Eaux (ZRE) est à cheval sur les Départements de l’Orne (60 communes) et du Calvados (209 communes). La ZRE constitue un socle minimum à élargir au Département du Calvados pour constituer le périmètre de l’étude, ce qui reste cohérent avec les caractéristiques géographiques et hydrogéologiques de notre territoire et ce qui permet de formuler correctement notre problématique de gestion quantitative et qualitative de l’eau dans un véritable esprit de solidarité territoriale.
Face à la problématique de l’eau, nos différents territoires ne sont pas sur un pied d’égalité et la dimension de solidarité est déterminante du point de vue de la pertinence et de l’efficacité de l’action publique.
Le Département s’inscrit d’ailleurs totalement dans l’instruction du 7 mai 2019 en initiant un travail à l’échelon départemental puisque, dans son annexe 7, cette instruction dresse déjà une liste indicative de 38 « territoires pour lesquels le projet est départemental ».
La gouvernance du projet nous amènera également à travailler en interdépartementalité. Compte-tenu des enjeux liés à la répartition des ressources, nous avons l’obligation de travailler à la bonne échelle, puisque nous partageons les bassins de l’Orne et de la Dives sur lesquels se situe la Zone de Répartition des Eaux (ZRE) avec nos voisins de l’Orne et le bassin de la Vire avec nos voisins de de la Manche (figure ci-après).
En première approche le comité technique qui sera constitué pour engager le projet réunira près de 100 personnes. Il est prévu en parallèle de concerter tout au long de la procédure avec divers panels représentatifs d’élus locaux, de citoyens et de collégiens, cible privilégiée du Département au titre de ces compétences.
En conclusion, ce projet doit permettre de nous engager collectivement vers un triptyque vertueux commençant par la recherche de sobriété (éviter) dans nos usages de l’eau (sensibilisation et évolutions des pratiques de tous les usagers), compensée en second lieu par une meilleure efficacité (améliorer) de nos consommations (actions sur les fuites d’eau, perfectionnement des systèmes d’irrigation…) et complété en dernier lieu par une augmentation de l’offre (accès à de nouvelles ressources).
Pour rappel les assises de l’eau de 2019 ont fixé un objectif général de diminution de nos prélèvements d’eau sur le milieu naturel de 10% à un horizon de 5 ans et de 25% à 15 ans.
Le département du Calvados en quelques chiffres :
694 056 Habitants (Insee, données 2018)
528 Communes - 25 Cantons
5 548 km2 de superficie
85% des besoins en eau potable issus des eaux souterraines
140 points d’alimentation en eau potable (captages et forages)
Le Département du Calvados exerce les compétences qui lui sont confiées par la loi notamment dans les domaines de la solidarité, action sociale et santé, de l’éducation, culture et sport, du développement du territoire et des infrastructures notamment routières. Il se distingue par son rôle actuel et historique dans la gestion locale de l’eau : assistance technique aux collectivités, aide aux travaux, recherches d’eau, animation de SAGE, suivi des nappes phréatiques, des eaux de rivières et de baignade.