Mise en œuvre d'une redevance pour service rendu dans le cadre du soutien d’étiage

Thierry PAY - Conseil départemental du Calvados1 ET

La loi NOTRe a conduit l’Institution Interdépartementale du Bassin de la Sienne (Manche-Calvados) à s’interroger sur son modèle économique et à envisager une participation résiliente des syndicats d’eau profitant du soutien d’étiage assuré par le barrage du Gast.

L’Institution Interdépartementale du Bassin de la Sienne (IIBS) qui regroupe les Départements de la Manche et du Calvados, a pour mission la gestion et l’entretien du barrage du Gast (Noues de Sienne). Cet ouvrage de soutien du débit d’étiage du fleuve la Sienne a une capacité utile d’environ 3 millions de m3.

En 2018, l’IIBS a engagé une réflexion sur son devenir au regard des évolutions législatives (perte de la clause de compétence générale par les Départements, prise de compétence AEP et GEMAPI par les EPCI FP) et du questionnement sur la participation au cofinancement des syndicats de production d’eau prélevant sur le cours d’eau.

La réflexion a porté sur :

  • les fondements juridiques permettant aux Départements de rester acteurs de ce satellite ;
  • la quantification des bénéfices du soutien d’étiage attribuée à chaque usage estimée par l’IIBS ;
  • les différents scénarii d’évolution de l’IIBS prévoyant une participation des bénéficiaires du soutien à l’étiage.

Compétence de soutien d'étiage 

L’analyse juridique du Conseil départemental de la Manche, confirmée par celle du Conseil départemental du Calvados, précise que le soutien d’étiage est une compétence qui n’est attribuée à aucune strate de collectivité et est donc facultative. Il peut entrer dans la compétence des Départements dans le cadre de la solidarité territoriale (article L.1111-9 du CGCT) et/ou dans la compétence des communautés de communes (CdC) du bassin au titre de la protection et de la mise en valeur de l’environnement (article L.5214-16 II-1 du CGCT).

En revanche, il est clair que le soutien à l’étiage ne relève pas de la GEMAPI.

Quantification des bénéfices au soutien d'étiage

Selon des études réalisées en 2016-2017 par l’IIBS, trois usages bénéficient du soutien à l’étiage assuré par le barrage-réservoir mis en eau en 1987 :

  • la production d’eau potable avec la sécurisation de 4 usines pouvant produire, traiter et distribuer jusqu’à 16 000 m3 d’eau par jour ;
  • le maintien d’un débit minimum biologique garantissant la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux ;
  • le renforcement de la capacité auto-épuratrice du cours d’eau au droit et en aval des rejets d’assainissement.

Grâce à l’étude de séquence hydrologique allant de 1974 à 2014, les volumes stockés mobilisés par chaque usage ont pu être estimés par modélisation. Il est apparu que la sécurisation de la production d’eau potable mobilise près de 40% des volumes stockés par le barrage, tandis que 60% participent au maintien des biotopes.

La qualité du cours d’eau étant assurée sans le soutien de l’ouvrage en période étiage sévère à extrêmement sévère, il n’a pas été considéré que les rejets d’assainissement « bénéficiaient » du soutien du barrage.

Il ressortait donc que la part relevant des syndicats d’eau potable correspondait à 40% des coûts de fonctionnement de la structure.Art-1-C1.png

Scenarii d'évolution de l'IIBS

La mise à contribution des différents bénéficiaires pouvait intervenir selon différents scenarii en fonction du souhait d’ouvrir ou non la gouvernance aux contributeurs :

  • Soit la gouvernance de l’IIBS restait aux deux Départements et une participation des collectivités exerçant la compétence eau était instaurée :
    • via la redevance pour service rendu (RSR): les bénéficiaires du service et un montant répartissant équitablement le coût du service entre ces bénéficiaires étant identifiés par l’IIBS ;
    • par le biais de conventions: calculées sur la même base que pour l’instauration d’une RSR, les contributions ne pourrait résulter que d’une négociation avec les bénéficiaires. Ce dispositif resterait donc fragile et pourrait être dénoncé à tout moment.
  • Soit la création d’un syndicat mixte avec l’intégration des services d’eau potable dans la gouvernance : l’intégration de nouveaux membres dans la structure peut interroger sur le leadership et le pouvoir décisionnel des Départements.

Après concertation avec l’ensemble des parties prenantes, la RSR a été retenue par les élus. Il est apparu indispensable de maintenir une gouvernance claire des deux Départements face à la nécessité d’assurer une ingénierie suffisante pour garantir le bon entretien de l’ouvrage.

L’instauration de cette redevance interviendra aux termes d’une procédure juridique nécessitant une enquête publique (qui a eu lieu à l’hiver 2022) et la prise d’un arrêté préfectoral portant reconnaissance de l’intérêt général de l’entretien et de l’exploitation de l’ouvrage de soutien d’étiage. L’objectif est de mettre en œuvre cette redevance pour l’exercice budgétaire 2023.

Elle sera calculée en s’appuyant sur le volume maximum de prélèvement autorisé pondéré du nombre de jours de soutien d’étiage, d’un coefficient de transfert si le producteur d’eau export cette eau à l’extérieur du bassin et enfin un coefficient amont /aval.

Elle s’établira au final à environ 2,5 centimes d’euros par mètre-cube.

L’IIBS deviendra ainsi le plus petit fleuve à instaurer cette redevance, après la Garonne, la Loire ou la Seine.

Art 1 C2

Barrage du Gast - Pertuis

Art 1 C3

Barrage du Gast - Digue principale et pertuis

 

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