Transférer ou de l’eau ou des bouts de papiers, la Gironde doit choisir

Bruno DE GRISSAC et Alexis LAFFICHER - SMEGREG EPTB des Nappes profondes de Gironde1 ET

Pour réduire les prélèvements dans les ressources déficitaires une gouvernance doit s’organiser autour d’un choix : faut-il privilégier le transfert d’eau ou celui des autorisations de prélèvements ?

Au cœur du Bassin aquitain, la Gironde est assise sur un vaste aquifère multicouche lui fournissant 98% de son eau potable. Mais cette apparente abondance cache un déséquilibre : certaines nappes font l’objet de prélèvement remettant en cause leur durabilité. Le territoire se dote alors en 1999 d’un établissement public, le SMEGREG, chargé d’étudier les ressources de substitution permettant de garantir une gestion durable des ressources en eau pour le département de la Gironde. En complément des indispensables économies d’eau, de nombreuses recherches de ressources ont été menées durant les vingt dernières années.

La dernière en date est la recherche menée pour l’est du département de la Gironde (cf. lien vers l’étude). Cette étude avait pour objectif de reprendre la bibliographie, de caractériser les ressources mobilisables par secteur (au total 27 secteurs définis), de définir le potentiel de chaque ressource par secteur pour l’alimentation en eau potable en précisant les investigations complémentaires nécessaires et enfin de hiérarchiser les ressources potentiellement exploitables. Le constat est sans appel, une partie du territoire étudié (près de 3 500 km2) ne dispose pas d’autres ressources que la nappe de l’Eocène classée déficitaire par le SAGE Nappes profondes de Gironde et dans laquelle tout nouveau prélèvement est proscrit.

Or, de par son attractivité la Gironde fait l’objet d’une hausse démographique soutenue qui touche l’ensemble du département. Les économies d’eau sur la consommation tendent à atteindre un plafond et celles à opérer sur les performances des réseaux nécessitent de longues années avant de produire des résultats conséquents. La partie du territoire orpheline de ressource de substitution doit donc s’organiser pour mobiliser de nouvelles ressources alternatives et ainsi limiter ses prélèvements.

Le transfert d’eau sur de grandes distances est empreint de nombreuses difficultés : au-delà du coût important des canalisations, de la complexité des traversées des cours d’eau majeurs que sont la Garonne et la Dordogne, s’ajoute l’acceptabilité sociale des populations vivant dans les zones de prélèvement de l’eau. A ces transferts de matière pourrait être préférables des transferts d’autorisation de prélèvements. Ainsi, les services d’eau disposant de gisements mobilisables sur leur territoire pourraient à coût maitrisé accéder et exploiter ces nappes soulageant ainsi les ressources déficitaires. Une partie des volumes substitués serait alors allouée à un service « orphelin » et en tension sur ses autorisations de prélèvements. Dans ce cadre, une réflexion doit être abordée sur le partage des coûts de telle mise en œuvre. En effet, les travaux à réaliser par le service d’eau opérant la substitution (étude, forage, adduction, traitement, stockage, etc.) ne devront pas être uniquement portés par les usagers de ce secteur mais également par ceux des services d’eau bénéficiaire de la substitution.

La mobilisation de ce partage des coûts pourrait s’envisager au regard des évolutions réglementaires des dernières années via par exemple la mise œuvre de Paiements pour Service Rendu. Il convient désormais de sensibiliser les dizaines de services d’eau potentiellement concernés dans le but d’aboutir collectivement à une gouvernance permettant de fiabiliser une gestion durable des ressources à l’échelle d’un territoire sans passer par d’importants travaux de transferts d’eau.

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